Transmis par Laurent

Début juin, un article arrive dans mes courriels qui me glace le sang portant le titre  :

Pasteur Clavairoly  :  »  Il faut valoriser la théologie œcuménique de Taizé.  « 

De quoi parle-t-on  ?

Des représentants de différentes églises étaient présents dimanche 10 mai à  Taizé et parmi eux le pasteur François Clavairoly, président de la F.P.F*., qui avait choisi de passer deux jours à  Taizé où il venait pour la première fois. Une présence qui illustre bien le retour des protestants français à  Taizé depuis quelques années. Pour le pasteur Clavairoly, l’apport de la communauté à  l’œcuménisme est incontestable et mérite d’être approfondi.  Lien

* Fédération Protestante de France

Cela m’a soudainement rappelé une sombre histoire que je vais de ce pas vous conter.

Dans les années 50 et 60, Frédéric Hoffet, avocat à  Strasbourg, romancier et essayiste, protestant libéral, ami et disciple d’Albert Schweitzer écrivait deux ouvrages remarquables pour dénoncer la dérive protestante. Dans l’un d’eux, il faisait un parallèle, je dirais prophétique, car l’histoire lui a malheureusement donné raison. Voici ce qu’il écrivait :

 »  Un autre exemple de votre cécité et de votre inconscience est Taizé. Pour moi, je l’avoue n’avoir jamais compris pourquoi les moines de Taizé sont encore protestants. Ils sont si amoureux des choses romaines, si désireux de les faire leurs, qu’on ne s’explique pas qu’ils s’arrêtent à  mi-chemin. Peut-être ont-ils, pour cela, certaines raisons de doctrine… Quoi qu’il en soit, je suspecte ces Messieurs de Taizé d’un plus grave forfait. Voulez-vous que je vous raconte une histoire  ? Vers la fin du siècle passé, il y avait dans une principauté allemande un aumônier de la Cour, protestant comme son maître et comme la majorité de la population. Il n’en restait pas moins que, de son vivant, la minorité catholique fut curieusement favorisée. On construisit pour elle, avec les fonds de l’Etat, plus d’églises qu’elle n’en avait besoin, et l’on érigea même deux couvents magnifiques et une école épiscopale qui attira les élèves de toute l’Allemagne. Quand l’aumônier mourut, se produisirent un certain nombre d’événements étranges. Avant même qu’il fût passé de vie à  trépas, un prêtre catholique avait pénétré dans sa maison, et l’on constata le lendemain que son corps avait été transporté dans un des couvents récemment édifiés. La population et le prince s’interrogeaient sur ces incidents curieux, lorsqu’on apprit, par le testament rendu public, que l’aumônier (qui n’avait pas cessé de présider les cultes luthériens) était converti au catholicisme depuis plus de vingt ans. Ainsi il n’est peut-être point absurde de se demander si les moines de Taizé ne sont pas, eux aussi, secrètement convertis.  «  Frédéric Hoffet, Politique romaine et Démission des Protestants, 1962, p. 32-33.

Un Parallèle prophétique ?

La Communauté de Taizé fut fondée en 1940 par frère Roger Schutz qui sera rejoint en 1942 par Max Thurian, tous deux pasteurs protestants.

Dès les années 1940, des contacts étroits sont noués avec des laïcs et des religieux catholiques. La communauté organise de nombreuses rencontres œcuméniques. Dans cet esprit, les frères Roger et Max participent ainsi aux travaux du Concile de Vatican II en tant qu’observateurs non catholiques. En 1964, les autorités catholiques autorisent leurs fidèles à  prier l’Office de Taizé. En 1969, le premier frère catholique rejoint la communauté de Taizé, après avoir obtenu l’autorisation spéciale de l’archevêché.

Dès les années soixante, la communauté de Taizé accueille des milliers de jeunes chaque année qui viennent prier et méditer. Frère Roger dit de lui-même  :  »  J’ai trouvé mon identité de chrétien en réconciliant en moi-même la foi de mes origines évangéliques avec le mystère de la foi catholique.  « 

Frère Roger Schutz s’est, au cours des années, rapproché de Rome et de la foi catholique, se prononçant notamment en faveur du célibat des prêtres et d’un ministère universel du pape. (Voir Fabien Gaulué, La communauté de Taizé, maturation d’un haut-lieu chrétien de socialisation européenne, La Documentation Française, mai 2002, p.  111).

Les frères Roger et Max participent aux travaux du Concile de Vatican II en tant qu’observateurs ‘non catholiques’.

Pourquoi un tel rapprochement ?

Tout d’abord, parlons de Max Thurian. Proche du catholicisme depuis longtemps, et sans que l’on sache à  quelle date il finit par se convertir au catholicisme, il fut ordonné prêtre catholique à  Naples le 3 mai 1987 dans le plus grand secret car il continuait de représenter les positions protestantes au sein du Groupe des Dombes (Groupe de recherche œcuménique).

La révélation de ce secret, un an plus tard, devenu l’affaire Max Thurian, sèmera le doute et provoquera de fortes tensions avec les milieux œcuméniques protestants français. Elle  »  demeure une blessure, voire un traumatisme indépassable   » pour certains protestants français qui  »  considèrent que Taizé s’est définitivement catholicisé   » et ne peut plus être un  »  moteur de l’œcuménisme  « . Lien

Le 30 septembre 1992, Max Thurian fut nommé membre de la Commission théologique internationale par le pape Jean-Paul II.

Quant à  Frère Roger, certains parlent de sa conversion au catholicisme, là  encore dans le plus grand secret, dès 1972. Lors des obsèques de Jean Paul II, il étonnait beaucoup de catholiques, et d’autres, en recevant publiquement la sainte communion des mains du cardinal Ratzinger qui allait devenir le pape Benoit XVI.

Voici ce qu’on peut lire dans le Journal catholique La Nef, n ° 194 de juin 2008 :

 »  À commencer par le Cardinal Barbarin. Celui-ci, qui aime les situations claires, posa donc la question de sa conversion. Il lui fut répondu officiellement que  » Frère Roger Schütz [était] formellement catholique « . Lien

De plus, Frère Roger confia la communauté à  frère Aloïs, un frère catholique, non sans choquer certains protestants, nombreux à  estimer que Taizé est quasiment rallié au catholicisme et participe à  un projet de dissolution du protestantisme. (photo. Frère Aloïs et le Pape François)

Il s’agit donc en effet d’un parallèle très intéressant avec ce que nous citions en début d’article.

Liens entre la FPF et Taizé

En 2002, la visite de Jean-Arnold de Clermont, président de la FPF  est qualifiée d’importante par un représentant de la communauté de Taizé.

En 2007, Claude Baty, président de la FPF, ne tarit pas d’éloges sur la qualité de l’accueil des jeunes et les qualités pédagogiques de la communauté dans la transmission du message évangélique. Cette visite marqua une étape décisive et permit de tourner la page.

Nous voici arrivé en 2015, et cette déclaration du président Clavairoly est plus qu’étonnante après ce que nous venons de découvrir :  »  Il faut valoriser la théologie œcuménique de Taizé.   » !

Frédéric Hoffet pouvait s’exclamer :

 »  Que l’on cesse de nous rebattre les oreilles avec ces tendances  »  catholicisantes  « , avez-vous répété… Que si l’on vous rappelle les huguenots morts sur les galères pour ne pas aller à  la messe, c’est tout juste si vous ne dites pas qu’ils ont eu tort. Car elle vous gêne la Réforme, avouez-le, elle vous importune  ; ces héros de la foi, ces martyrs vous dérangent dans les avances que vous faites à  l’Eglise romaine…   » Frédéric Hoffet, Politique romaine et Démission des Protestants, 1962, p. 34-35.

Sans conteste, il s’agit de la réalisation prophétique de ce qu’Ellen G. White écrivait dans La Grande Controverse :

 » L’attitude des protestants envers l’Eglise de Rome est infiniment plus favorable aujourd’hui qu’autrefois… On en vient même à  penser qu’en définitive les divergences sur les questions vitales ne sont pas aussi considérables qu’on l’avait supposé, et que certaines concessions de la part du protestantisme permettraient une entente avec la hiérarchie. Il fut un temps où les protestants attachaient une grande valeur à  la liberté de conscience acquise à  grand prix. Ils inculquaient à  leurs enfants l’idée que la recherche d’un accord avec Rome équivalait à  une infidélité à  l’égard de Dieu. Combien les choses ont changé! « 

Que Dieu nous préserve d’alliances qui déshonorent Son Saint Nom !

L.G.