Transmis par Elisabeth.

La 3e parasha dans la lecture de la Torah s’appelle  » Lekh lekha « . Elle porte sur Genèse 12 et raconte l’histoire d’Abraham – le Père de la foi et l’ami de Dieu. Avant lui, fut aussi un grand homme de Dieu que Pierre appelle  » prédicateur de la justice « , c’est Noé. Le judaïsme enseigne que ces deux hommes incarnent deux modèles de religion ou de croyants : le modèle noa’hique et le modèle abrahamique.

Noé ou Noa’h xn

Noé signifie repos, mais aussi consolation (Gen 5 :29) : sans doute Noé a-t-il consolé D.ieu de la perversité de la génération d’alors et sa foi reposait Dieu. Quand D.ieu vit la méchanceté des hommes, Noé trouva grâce (Nx – ‘hen) devant Dieu – il était  » juste et intègre  » (tsadiq tamim), et  » il marchait avec D.ieu  » (Gen 6 :8-9). Les commentateurs juifs notent que Noé  » marchait avec Dieu « , tandis qu’Abraham  » marchait devant l’Eternel  » (Gen 17 :1).

Toute chair était corrompue sur la terre. Après avoir averti Noé qu’Il allait détruire sa génération, Dieu lui ordonna de bâtir une Arche, et  » Noé exécuta tout ce que Dieu lui avait ordonné  » (Gen 6 :22). La Bible ne dit pas que Noé ait discuté le projet de Dieu concernant la destruction de l’humanité. Il a obéi, témoin silencieux de la justice divine. L’auteur des Hébreux nous dit que Noé «  avait pris au sérieux la révélation qu’il avait reçue au sujet d’événements qu’on ne voyait pas encore… Et Dieu lui a accordé d’être déclaré juste en raison de sa foi  » – Héb 11 :7.

Noé ne fut pas contaminé par son entourage dévoyé, et pour cela est un exemple extraordinaire pour notre temps. Il demeura juste et intègre… et soumis à  Dieu pour ce qu’il devait accomplir. Noé est un exemple de soumission et de crainte respectueuse de l’Eternel. Il a marché avec Dieu.

Pour les commentateurs juifs, le croyant de type noa’hique est un croyant qui est extrêmement respectueux de Dieu, ne discutant pas et obéissant. Il est le parfait soldat qui exécute les ordres. Noé place Dieu comme souverain, mais il ne va pas au-devant de sa génération. Il n’est pas écrit que Noé a cherché à  avertir ses contemporains, comme Jonas par exemple. Il a laissé la justice de Dieu s’accomplir.

Au sortir du Déluge, Noé saura  » reconstruire  » le monde. Les Sages disent qu’il ne s’est pas laissé abattre par la tache. De la même façon, le peuple juif ne s’est pas laissé abattre après l’immense tragédie de la Shoah : la génération suivante a permis la renaissance complète d’Israël.

AbrahamAbraham Mhrba

 

Abraham est le patriarche d’Israël par excellence. Les Juifs fondent le judaïsme sur la religion abrahamique qui fleurira ensuite dans la Loi mosaïque. L’histoire du peuple juif commence donc avec Abraham. Après 25 ans de présence dans le pays, que Dieu se révèle pleinement à  lui, en Genèse 17 :  » Lorsque Abram fut âgé de 99 ans, l’Eternel apparut à  Abram, et lui dit : Je suis le Dieu Tout-Puissant (El schaddaï). Marche devant ma face, et sois intègre. J’établirai mon alliance entre moi et toi, et Je te multiplierai à  l’extrême « .

Abram (= père élevé) est baptisé d’un nom nouveau : Abraham (= père d’une multitude de nations) – Dieu lui demande la circoncision comme signe d’alliance avec lui et ses descendants. Abraham deviendra l’ami de Dieu et sera le fondateur de la nation hébraïque par son alliance avec l’Eternel.

Jacques 2:23  » Abraham crut à  Dieu, et cela lui fut imputé à  justice ; et il fut appelé ami de Dieu « .

Deux hommes, deux modèles

Quelle est la différence avec Noé sur la relation avec autrui et avec Dieu ?… Souvenons-nous que Noé  » marchait avec Dieu « , tandis que Dieu demanda à  Abraham de  » marcher devant Lui « . Les deux hommes sont justes et intègres. La différence est dans l’attitude face à  une décision divine de jugement. Allons à  la tragédie de Sodome et Gomorrhe (Gen 18 et 19) : Dieu partagea la pensée qu’Il avait de détruire par le feu cette ville pervertie. De la même façon, Dieu avait averti Noé de la destruction de sa génération.

Comment réagit Abraham ?… Sa réaction est immédiate – ses propos sont tranchants, s’adressant à  Dieu :  » Tu ne peux pas faire cela ! Tu ne peux pas traiter de la même manière le juste et le coupable et faire mourir le juste avec le méchant ! Toi qui juges la terre entière, n’agirais-tu pas selon le droit ?  » – Gen 18 :25 (Sem). Abraham interpelle Dieu d’une façon presque cavalière, lui demandant  » d’agir selon la justice « . Il parle au Maître du monde et Le confronte… Puis, Abraham va négocier le salut des gens de Sodome et de son parent Lot. Il va plaider et être un véritable intercesseur. C’est pour cela que dans le judaïsme, Abraham incarne la vertu du ‘Hessed – la bonté même. Abraham a foi que l’homme le plus mauvais peut être sauvé. De même, le judaïsme enseigne la valeur de la vie et de tout homme, quel qu’il soit.

Comment réagit Dieu ?… Contrairement à  ce que l’on aurait pu penser humainement, Dieu considère bonne la réaction d’Abraham. Esaïe nous révèle l’amitié de Dieu envers Abraham :  » Quant à  toi, Israël, mon serviteur, Jacob, que J’ai choisi, et descendance d’Abraham, qui était mon ami…  » – Es 41 :8.

En Jean 15 :15, Jésus dit :  » Je ne vous appelle plus serviteurs… Je vous appelle mes amis « . Dieu aime voir en nous des amis non seulement qui Lui obéissent, mais Lui résistent, plaident et L’interpellent. Nous ne sommes pas seulement des serviteurs obéissants et soumis ; nous sommes des croyants qui ne vont pas seulement dans le courant de Dieu, mais qui vont  » au-devant  » de Ses désirs, Le confrontant même avec Sa propre parole, sa propre justice. C’est le plaisir de Dieu de nous voir réagir sainement et saintement.

Deux  » modèles « 

Selon cette pensée juive, on peut distinguer deux types de religion  » noa’hique et abrahamique  » – une, passive, axée sur la soumission, et l’autre entreprenante, allant au-devant. L’Islam fait partie des religions soumises à  un Dieu lointain et implacable. Le mot Islam signifie soumission. Il y a dans ce type de religion une fatalité, une acceptation passive des faits et des événements. Qui est-on pour demander des comptes à  Dieu ? On a juste à  obéir.

Abraham est appelé dans la foi juive  » l’homme saumon « , celui remonte le courant, ou qui est à  contre-courant de la pensée majoritaire. Les grands révolutionnaires étaient des Juifs. Il est un fait qu’Israël qui s’identifie à  Abraham est véritablement un peuple qui est  » à  part  » et d’une certaine façon, s’oppose au reste du monde. On dira dans le judaïsme :  » qui sauve une âme, c’est comme s’il avait sauvé le monde entier « . Abraham a tout tenté pour sauver une âme à  Sodome, et il a sauvé Lot et sa famille. Ruth est issue de la descendance de Lot et on pourrait dire qu’Abraham a sauvé la lignée davidique…

Dans le Christianisme, nous pouvons rencontrer ces deux types de foi. La foi catholique est plutôt proche du modèle noa’hique – obéissance au prêtre et soumission à  l’enseignement donné, foi contemplative, tandis que la foi protestante, pétrie de foi vétéro-testamentaire (AT) et en même temps proche de la foi juive, possède un caractère entreprenant et actif. Le protestant, sauvé par grâce et par la foi seule, n’obéit qu’à  Dieu et n’en réfère qu’à  Lui. Sa liberté de conscience octroie au Protestant une liberté de comportement et, animé d’une foi altruiste, lui donne d’être comme Abraham pour interpeller Dieu comme on parle à  un ami, ou à  un père. La foi protestante est plus individualiste que celle du catholique.

Deux attitudes complémentaires

Dieu nous enseigne en fait à  posséder ces deux attitudes sans quelles s’opposent : d’un côté la soumission et la crainte de l’Eternel, de l’autre la volonté d’aller plus loin,  » au-devant « . Marcher avec Dieu et marcher devant Sa face. Nous avons à  composer avec ces deux comportements : Jésus nous révèle que nous ne sommes plus esclaves mais fils, Il demande que nous ne soyons plus serviteurs pas amis (Jean 15). Avec le prochain, Il nous poussera à  agir, en mettant notre foi en pratique. Jacques dira qu’une foi sans les œuvres, (nos actes) ne vaut rien – elle est morte.

Les dangers sont doubles : en restant passif et soumis sans agir par compassion, notre foi est vaine. Mais en s’agitant vainement en tentant d’agir par soi-même, par nos propres forces, on dénature la foi. La première attitude peut nous conduire dans le mysticisme, la seconde dans un humanisme stérile.

Israël : le test de l’Eglise

Notre attitude vis-à -vis d’Israël est un bon test à  savoir si notre foi est bien équilibrée entre ces deux forces ou fondements de notre foi qui sont la soumission à  la souveraineté de Dieu et la compassion qui nous amène à  aller plus loin – la foi de Noé et la foi d’Abraham. Ce sont en fait deux colonnes au sens de vérité.

Durant la guerre, bon nombre de chrétiens ont dû réagir selon leur foi, pour sauver des Juifs. Le choix était simple et terrible : d’un côté la passivité et la soumission aux autorités, de l’autre une action téméraire qui s’opposait à  la loi. Laisser faire et ne faire que prier, ou laisser agir sa compassion et prendre des risques…

De nos jours, le problème est semblable. Israël est en danger, comme du temps d’Esther. Dieu place alors l’Eglise et les chrétiens devant un choix : agir ou laisser faire les événements. La bonne question que nous devons nous poser est :  » qu’est-ce que Jésus ferait à  ma place ? « …

Réponse :  » Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que Je vous commande  » – Jean 15 :13-14.

Être un ami pour Dieu

Dieu a fait le premier pas vers Abraham :  » Cacherais-je ce que je vais faire à  Sodome ?… « . Il a offert son amitié et invité Abraham à  donner son avis. Dieu recherche notre amitié et Il a besoin que nous prenions part à  ses projets. Il n’a pas créé l’homme pour en faire une créature béate d’admiration devant Dieu, mais Il lui a donné la liberté pour connaître le bonheur en partenariat avec Lui. Si j’aime ma femme, je vais aller au-devant de ses désirs, et ensemble, dans la discussion et le respect mutuel, nous chercherons ce qui est le mieux pour notre bonheur.

Dieu nous fait l’honneur insigne de nous hausser à  sa hauteur. De même, Il s’est abaissé vers nous jusqu’à  mourir pour nous, sur  » le bois infâme « . Ainsi libérés du péché, nous ne pouvons que lui donner notre vie pour collaborer à  Ses projets. Israël est Son projet aujourd’hui. C’est ainsi que nous devons être la main de Dieu, Son coeur, Sa compassion :  » Consolez, consolez mon peuple ! « . Dieu nous invite à  Lui rappeler Ses promesses, et comme Abraham, le  » contraindre  » à  Sa justice : «  Pleurez… et dites : Eternel, épargne ton peuple !  » – Joël 2 :17.

Pour finir, la crainte de l’Eternel doit être sous-jacente dans tout ce que nous entreprenons avec Dieu. Souvent, nous agissons avec Jésus comme s’il était encore ce petit enfant né dans une crèche. Réalisons que Dieu va se révéler comme le Messie glorieux devant régner sur la terre – l’épée de la vengeance est dans Sa bouche, Il châtiera toute nation et individu qui aura porté la main sur Israël et l’aura maudit. Ayons une pleine conscience de la crainte de l’Eternel, de la même façon que Josué devant Jéricho, lorsqu’il vit l’Homme avec son épée dégainée, comme David lorsqu’il vit l’Ange de l’Eternel sur le Mont du temple, comme Esaïe lorsqu’il vit la gloire de Dieu dans le Temple… et agissons avec hardiesse dans les œuvres de miséricorde.

Tel Noé, soyons soumis, tel Abraham, soyons ami de Dieu.

Le 13 octobre – GF