Matthias Helmlinger, pasteur à  Chalon sur Saône et Sornay (Bourgogne)

Jean 17 versets 1 à  11 (traduction de X.-L. Dufour)

… puis, levant les yeux vers le ciel, il dit :

 » Père, elle est venue l’heure ! Glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie et que, à  la mesure du pouvoir sur toute chair que tu lui as donné, il donne la vie éternelle à  tous ceux que tu lui as donnés.

Et la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.

Moi, je t’ai glorifié sur la terre, ayant mené à  terme l’œuvre que tu m’as donnée de faire.

Et maintenant, glorifie-moi, toi, Père, auprès de toi-même de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût.

J’ai manifesté ton Nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde.

A toi ils étaient, à  moi tu les as donnés, et ils ont gardé ta parole.

Maintenant ils sont parvenus à  connaître que tout ce que tu m’as donné est d’auprès de toi.

En effet, les paroles que tu m’as données, je les leur ai données, et ils les ont accueillies et ils ont vraiment connu que d’auprès de toi je suis sorti, et ils ont cru que toi tu m’as envoyé. Moi, j’interviens pour eux, non pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, parce qu’ils sont à  toi, et tout ce qui est mien est tien et ce qui est tien est mien, et je suis glorifié en eux.

Désormais je ne suis plus dans le monde, mais eux sont dans le monde, et moi je viens à  toi. Père saint, garde-les dans ton Nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un de l’unité qui nous fait un « 

Il y a peu, nous avons fêté l’Ascension. Jésus est auprès de Dieu. Nous avons ici le contenu de la prière de Jésus auprès de Dieu son Père.

Ce n’est pas une fiction littéraire. Ce que nous appelons le  » 4 ° évangile  » ou  » l’évangile de Jean « , se présente comme un témoignage, le  » témoignage du disciple que Jésus aimait « .

Il faut savoir que dans le lieu très saint du temple de Jérusalem, là  où le grand-prêtre pénétrait seul, une fois par an, à  Yom Kipour, pour prononcer le Nom et obtenir le pardon pour toute la communauté d’Israël, dans ce lieu très saint, il y avait un seul objet à  l’époque du premier temple : le coffre du témoignage.

Nous avons ici le témoignage de ce que Jésus a prononcé dans le lieu très saint, où il est entré seul en tant que grand-prêtre, après avoir longuement enseigné ses disciples sur le sacerdoce qu’ils partagent avec lui dans le lieu saint.

Nous devons écouter cette prière comme le témoignage le plus précieux qui nous soit donné sur le sens de la venue de Jésus dans ce monde.

Cette venue a pour but la vie éternelle.

Jésus dit qu’il a  » achevé l’œuvre que le Père lui a donné de faire « , il a  » glorifié le Père  » sur la terre.

Son ministère a duré trois ans à  peine, mais c’est suffisant : Jésus a achevé son œuvre. Le dernier verset de l’évangile nous apprend que si l’on devait écrire tout ce que Jésus a fait :

«  le monde entier ne pourrait contenir les livres qu’on écrirait. « 

Ce que Jésus a fait en trois ans à  peine, a une portée incalculable : la vie éternelle.

La vie éternelle pour tous ceux que le Père lui a donnés

Autrement dit, Jésus n’a pas couru après ses disciples, il n’a pas cherché à  séduire les foules. Il a reçu ses disciples de son Père.

Voilà  donc notre salut accompli. Il a été accompli indépendamment de nous-mêmes, entièrement par Jésus, et la raison pour laquelle nous avons cru, c’est que nous avons été confiés par le Père à  Jésus,  » donnés à  Jésus « .

Nous n’y sommes pour rien. A aucun moment, Jésus ne mentionne notre participation active à  ce salut.

« J’ai manifesté ton Nom aux hommes que tu m’as donnés du milieu du monde.

A toi ils étaient, à  moi tu les as donnés, et ils ont gardé ta parole. « 

Notre seule participation à  la vie éternelle aura été de garder la parole que nous avons reçue.

Ce n’est pas en regardant à  nous-mêmes, en considérant ce que nous réussissons à  faire, en nous appuyant sur nos sentiments ou nos expériences, que nous aurons une quelconque certitude de la vie éternelle.

C’est uniquement en considérant la prière que Jésus a faite devant son Père, dans laquelle il dit avoir mené à  terme l’œuvre qui lui a été confiée.

Il n’y a aucune certitude de la vie éternelle pour qui cherche ailleurs, pour qui s’agite, et se démène pour en devenir digne.

Dans Exode 31 et 35, le récit de la construction du Tabernacle est interrompu avec le rappel de Shabath : il faut cesser toute activité ce jour-là , même pour construire la Demeure du Dieu saint au milieu de son peuple Israël.

La vie éternelle s’acquiert dans le repos, dans la cessation de toute activité humaine, pour considérer l’oeuvre divine.

Jésus a mené à  terme l’œuvre divine que le Père lui a donné de faire.

Accompli en dehors de nous, notre salut doit être réceptionné.

Ceux qui ont reçu la vie éternelle gardent les paroles de Jésus ; ces paroles leur permettent de connaître que Jésus est sorti du Père, envoyé par le Père. C’est cela, la vie éternelle :

 » connaître le seul vrai Dieu et celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ « .

Jésus dit :

 » les paroles que tu m’as données, je les leur ai données, et ils les ont accueillies et ils ont vraiment connu que d’auprès de toi je suis sorti, et ils ont cru que toi tu m’as envoyé. « 

Accueillir les paroles de Jésus, connaître ensuite. C’est l’inverse de ce que nous faisons d’habitude : nous voulons d’abord connaître, comprendre une parole avant de l’accueillir, avant de la faire nôtre.

Mais l’alliance de Dieu avec Israël a été conclue au Sinaï, quand les Juifs ont dit :  » na’assé wenishma’  » (Ex.24/7)  » Nous ferons et nous écouterons « ,  » Tout ce que le Seigneur a dit, nous ferons et nous comprendrons  » .

On comprend ce que Dieu dit, quand on a commencé à  le faire !

Si nous avons accueilli un jour les paroles de Jésus c’est donc là  encore, l’œuvre de Dieu. Pour le dire avec les termes employés ici : parce que nous avons été donnés à  Jésus.

Il y a une parole difficile à  comprendre dans la prière de Jésus :

 » je prie pour eux ; je ne prie pas pour le monde « .

Elle en a choqué plus d’un. Elle est effectivement choquante, si on s’imagine que les disciples sont les chouchous du Seigneur, et qu’ils n’en ont rien à  faire de ce monde. Tel n’est pas le cas.

Le monde n’a pas réussi à  connaître Jésus. Il l’a rejeté. Violemment.

Ceux qui ont été donnés à  Jésus par le Père, qui ont commencé à  le connaître, ceux-là  ont besoin de la prière de Jésus, pour qu’ils continuent la mission de Jésus dans ce monde. Parce que cette mission se heurtera à  la même opposition. Mais elle rencontrera aussi un accueil favorable, là  où la grâce de Dieu intervient.

Les paroles de Jésus qui communiquent la vie éternelle, ce ne sont pas des paroles qui plaisent au monde.

 » Dieu a tant aimé le mon- de qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éter- nelle. « 

Dieu a aimé le monde, mais le monde ne le lui a pas rendu :

Il a crucifié son Fils uni- que.

Jésus a été traité de  » fou  » par le monde, alors qu’il lui ma- nifestait l’amour de son Père.

Si nous voulons aimer ce monde de l’amour de Dieu, il faut accepter d’être traités comme des aliénés.
Le fait que les Juifs s’investissent à  fond dans la science, la médecine, la philosophie, la politique, les arts, dans tout ce qui peut être bénéfique au monde, n’a pas empêché la Shoah.

Ils savent ce que cela signifie être rejetés de ce monde, tout en cherchant son bien. Ils ont été sans cesse rejetés de ce monde, alors qu’ils nous ont transmis la Bible.

Leur histoire peut nous aider à  comprendre le sens de notre engagement dans le monde.

Ce n’est pas en voulant plaire à  ce monde que nous l’aiderons.

Mais ceux que le monde traite comme des aliénés sont ceux qui lui font le plus grand bien : en gardant les paroles de Jésus, ils donnent à  ce monde la possibilité de recevoir la vie éternelle.

N’étant pas du monde, Jésus est venu dans ce monde et a reçu de son Père le pouvoir de transmettre la vie éternelle. Il ne désolidarisera jamais des siens qui sont dans le monde pour continuer sa mission.

Nous avons fêté l’Ascen- sion.

On ne voit plus Jésus.

Il est à  la droite de Dieu.

Mais on peut tout aussi bien dire :

Jamais il n’a été aussi présent.

Par sa pri- ère, il nous donne de le connaître encore mieux que s’il était res- té sur terre.

Il nous don- ne de connaître son Père, et de Le connaître lui, envoyé par le Père dans ce monde.

Il a été envoyé pour que quiconque, ce qui veut dire  » n’importe qui  » puisse recevoir la vie éternelle.

Tout ce que nous pourrons faire dans ce monde en ce sens, ne sera jamais que le fruit de la prière de Jésus.

Il a prié pour que nous soyons gardés du Mauvais, pour que nous soyons Un par la vertu du Nom.

Sommes-nous Un ? Le monde peut-il voir l’unité de ceux que le Père a donnés à  Jésus ?

En considérant l’histoire de l’Eglise, il n’y a pas lieu d’être fiers. Combien la prière de Jésus nous est nécessaire ! Cette prière existe, continue. Et de cette prière-là , nous pouvons être fiers. Amen.